Trouble bipolaire, criminalité et sexe
Le trouble bipolaire ou maladie bipolaire est défini par un dérèglement ou un trouble de l’humeur. Le terme bipolaire signifie l’existence d’une variation de l’humeur qui peut passer brusquement de l’hypothymie ou phase dépressive à l’hyperthymie ou phase maniaque et vice versa. Le trouble bipolaire est caractérisé par ses aspects cliniques et évolutifs particuliers à chaque sexe.
Le genre aurait également un impact sur la violence et les tendances criminelles chez les malades mentaux souffrant de maladie bipolaire. La criminalité selon le sexe ayant été étudiée surtout chez les schizophrènes, une étude rétrospective descriptive et comparative entre hommes et femmes malades bipolaires a été menée à l’hôpital psychiatrique Razi de Tunis et publiée dans « La Tunisie Médicale ».
Ce travail a colligé les dossiers de 36 patients atteints de troubles bipolaires type 1 ou 2 et ayant été hospitalisés d’office suite à un acte médico-légal. L’irresponsabilité pénale de ces malades a été déclarée en vertu de l’article 38 du code pénal tunisien (non lieu pour cause de démence).
L’échantillon étudié était composé d’une nette prédominance masculine: 28 hommes et huit femmes avec un sex ratio (hommes/femmes) de 3,5.
Les données sociodémographiques incluant l’âge, le niveau éducationnel, le statut social, le statut professionnel et le niveau économique étaient comparables entre les deux sexes. Etaient comparables également les antécédents familiaux des patients (antécédents psychiatriques, troubles de l’humeur, antécédents judiciaires et addiction). Il n’y avait pas de différence significative en ce qui concerne les caractéristiques familiales et environnementales (notion de perte parentale précoce, désunion familiale, victime de violence intrafamiliale).
Le passage à l’acte suicidaire était significativement plus observé chez les femmes. Les patientes commettaient près de quatre fois plus de tentatives de suicide que leurs homologues masculins. Par contre, l’abus d’alcool était un phénomène purement masculin.
Au total, 43 actes avaient été répertoriés avec une nette prédominance masculine (33 actes masculins contre 10 féminins).
Plus de 80% des malades de sexe masculin ont accompli leurs délits lors d’un accès maniaque mais aucun homme n’est passé à l’acte en phase dépressive. En contre partie, les femmes sont passées à l’acte aussi bien durant la manie qu’au cours de la dépression.
Pour ce qui est de la nature de l’acte médico-légal, la différence était statistiquement significative entre les patients et les patientes. Chez les hommes, les agressions contre les biens étaient les plus représentées, suivies par les agressions contre les personnes, puis les agressions sexuelles et l’usage de toxiques. Par ailleurs, chez les femmes, les agressions contre les personnes venaient en premiers suivies par les agressions contre les biens, puis par la prostitution et l’usage de toxiques (un acte).
Dans cette étude : « le crime était inaugural de la maladie exclusivement chez les femmes » et « les actes perpétrés par les femmes atteintes de trouble bipolaire étaient aussi violents et engendraient autant de victimes que ceux commis par leurs homologues masculins ».
Dans la littérature, les études s’accordent sur le fait que la maladie bipolaire est plus sévère chez les femmes contrairement à la schizophrénie, où les femmes ont un meilleur pronostic et connaissent des formes plus atténuées que les hommes. Ce qui permettrait d’expliquer la forte représentativité des femmes dans la violence induite par la maladie bipolaire comparativement à celle induite par les autres troubles mentaux.
Il en ressort que le profil des actes médicolégaux perpétrés par les patients bipolaires soit déterminé par le sexe et que la dangerosité des femmes bipolaires est réelle et importante puisqu’elle se traduit, notamment lors des phases dépressives, par des actes graves et meurtriers.
E.K.L