Ce qu’il faut savoir sur le Trouble de déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH)
« L’enfant qui souffre du trouble de déficit de l’attention, hyperactivité », tel était le thème de la table ronde organisée par l’Association pour la Promotion de la Santé Mentale de l’Enfant et de l’Adolescent (APSMEA) et ce, le samedi 8 décembre à Beit El Hikma à Carthage.
Ils sont 40 000 enfants à souffrir de Trouble de déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH). Souvent, les enfants hyperactifs sont appelés à tort, des « petits monstres ». Dans la famille, à l’école ou même dans les lieux publics, ces enfants qui ne tiennent pas sur place, sont taxés de « survoltés ». On les allie à des tornades ravageant tout sur leur passage tellement ils ont la bougeotte. Pourtant, ces petits, qui bougent tout le temps, peuvent très bien être victimes de TDAH. C’est justement pour lever le voile sur ce trouble que l’APSMEA a organisé cette rencontre.
A ce propos, le Dr Néjib Mezheni, pédopsychiatre et président de l’APSMEA dit que la TDAH se caractérise par la dysfonction de l’attention, d’une hyperactivité motrice et d’une impulsivité. « Hélas, on ne découvre ce genre de trouble qu’à l’âge scolaire. Pourtant, le TDAH remonte à la toute petite enfance, c’est-à-dire dès l’âge de la marche. Mais c’est souvent vers l’âge de 7 ans qu’un tel trouble est découvert lorsque l’enfant commence à aller à l’école et que son TDAH l’empêche d’avoir une scolarité normale, voire une vie normale ».
Le tableau clinique de la TDAH
De son côté, Dr Fatma Charfi, pédopsychiatre a parlé des aspects cliniques de ce trouble. « D’abord, on ne peut parler de TDAH que lorsque les symptômes (dysfonction de l’attention, hyperactivité motrice et impulsivité) sont existants dans au moins deux environnements différents. Si un enfant présente ces symptômes à la maison mais pas à l’école ou vice-versa, il s’agit d’un comportement réactionnel et non pas de TDAH.
En effet, si l’enfant est sujet à ce trouble, il ne saura pas maîtriser les symptômes, peu importe le milieu dans lequel il se retrouve. Et si ces symptômes sont justement bien prononcés, ceci aura des retentissements significatifs sur la vie sociale, scolaire et familiale de l’enfant. Toutefois, il faut bien s’assurer que ces symptômes ne soient pas liés à une autre maladie mentale. En effet, en pédopsychiatrie, on peut voir certains de ces symptômes chez l’enfant dépressif, chez celui qui vit un deuil, celui anxieux, chez celui qui souffre d’un handicap mental et qui est sous traitement médical… Raison pour laquelle il ne faut jamais définir tout enfant hyperactif comme un enfant qui souffre de Trouble de déficit de l’attention/hyperactivité.
Comment reconnait-on le TDAH ?
Dans les maladies mentales, ajoute Dr Charfi, il y a des critères précis. Et dans le cas du TDAH, il existe justement une divergence entre la définition anglo-saxonne ou américaine et celle internationale. Les Américains classent l’inattention prédominante, l’hyperactivité et l’impulsivité en tant que trois sous-types à ce trouble. A contrario, selon la définition internationale, reconnue par l’OMS, le TDAH exige l’existence de ces trois symptômes à la fois.
Quant à la prévalence, les Américains parlent justement de 4 à 10% de victimes alors que l’OMS mentionne un chiffre épidémiologique allant de 1 à 20%. Mais en moyenne, nous parlons de 4 à 6% d’enfants en âge scolaire atteints par ce trouble. Pour ce qui est de la Tunisie, Dr Mghayeth a mené une étude sur un échantillon de 1200 enfants à Tunis ayant entre 4 et 15 ans et l’étude a montré 4% de cas de TDAH avec une prédominance masculine (3 à 4 garçons atteints pour une seule fille atteinte).
En revanche, l’étude a montré que les filles sont plus sujettes à l’inattention alors que c’est l’hyperactivité qui se retrouve le plus chez les garçons. Une deuxième étude réalisée à Sfax faite seulement sur 500 enfants a montré 9% de TDAH. Il s’agit donc d’un trouble très fréquent et qui reste hélas encore sous-diagnostiqué !
Les trois symptômes sous la loupe
Et Dr Charfi d’expliquer : « Pour reconnaître un TDAH, il faut retrouver les trois symptômes. Généralement, ces derniers apparaissent tôt. Le premier symptôme recherché est l’hyperactivité. Celle-ci est reconnue lorsque l’instabilité de l’enfant dépasse son âge de développement. C’est un enfant qui touche à tout, qui ne reste pas sur place. Certains enfants arrivent à se maîtriser, mais ils déploient beaucoup d’effort pour y arriver. D’autres n’en sont pas capables et ont tout le temps la bougeotte. Ils ont l’air infatigable : ceci se retentira sur sa vie familiale et écolière.
L’impulsivité, est le deuxième symptôme recherché. Elle se traduit par l’incapacité de l’enfant à inhiber ou à contrôler au niveau cognitif. Il ne réfléchit pas et répond très vite. Il coupe la parole et n’apprend pas de ses erreurs. L’impulsivité sera plus tard visible au niveau moteur : ceci se verra dans ses graphismes, écritures parce que l’enfant ne se donne pas le temps de mentaliser, de mémoriser et de contrôler.
L’inattention est le troisième symptôme recherché. Elle se caractérise par l’inhibition des stimuli sur les tâches. L’enfant ne se concentre pas, il est difficile de retenir son attention, il lui est difficile de terminer une tâche. Il est rêveur et semble parfois ailleurs. Ceci lui donnera également plus tard des problèmes d’organisation, de travail et d’apprentissage.
Les répercussions du TDAH
Etle Dr Charfi d’ajouter : « De manière générale, les enfants qui souffrent de TDAH, auront des problèmes de mémoires, auront des difficultés d’exécution et de traitement des informations, auront des problèmes d’apprentissage, de lecture, de graphisme et de scolarité de manière générale. Ce trouble commence tôt, bien avant l’âge de 7 ans. Il se retentira donc sur les premières années d’étude. Parfois cela peut pousser à diagnostiquer une fausse dyslexie. Par la suite, ils auront aussi des difficultés avec leurs pairs, avec la famille…Ils peuvent être marginalisés et exclus !
Ces enfants auront aussi des troubles émotionnels : crise de colère, humeur changeante et variable, passage du rire aux larmes… Ceci rendra leur relation avec l’Autre problématique surtout que l’enfant, qui souffre de ce trouble, a souvent une mauvaise estime de soi. De fait, les parents punissent souvent ces enfants-là et les critiquent sans cesse. A la longue, l’enfant perdra son estime en soi et sa confiance en lui. A la longue, cela altère la relation parent-enfant, enfant-fratrie, enfant-pair… L’enfant risque même d’être maltraité et devient sujet à la violence des parents qui ne comprennent pas le trouble !
L’évolution de la maladie
Hélas, souvent le TDAH est associé à d’autres troubles psychologiques. La co-morbidité avec les troubles de conduite est souvent retrouvée chez les adolescents souffrant de TDAH. L’enfant est alors souvent sujet aux transgressions des règles, à l’agressivité, au vol, aux fugues… Si cela continue d’évoluer l’adolescent sera antisocial. Il existe aussi une association avec les troubles de l’humeur. Dans 20% des cas, une dépression associée est retrouvée, ce qui complique davantage le tableau. Les troubles anxieux sont aussi associés dans 20% des cas ce qui complique l’apprentissage.
De façon globale, lae TDAH évolue dans 50 à 60%. Le trouble persiste avec une nette diminution de l’hyperactivité, mais les difficultés d’attention, les troubles de mémoires s’accentuent et l’impulsivité persiste à l’adolescence avec un risque d’avoir des conduites à risque : blessures, abus de substance, comportements antisociaux, risque d’échec scolaire…
Le TDAH chez l’adulte
Des études montrent qu’entre 1 et 4% des adultes souffrent de ce trouble. Ceci se caractérise par des formes d’inattention mais controversée avec un bémol. Il est certes difficile de définir le TDAH chez l’adulte tant c’est la scolarité qui met la puce à l’oreille à l’âge de l’enfance. Dépassé cet âge, il est difficile de trancher. Mais les chiffres ont montré que les symptômes persistent dans 30 à 35% des cas avec des retentissements sur la vie professionnelle, personnelle, émotionnelle ou affective et parfois avec des problèmes légaux.
Et c’est pour toutes ces raisons qu’il faut bien diagnostiquer cette pathologie par un clinicien spécialisé notamment un pédopsychiatre qui sera capable de retracer l’histoire de l’enfant : son histoire mentale et sa dynamique familiale. Pour ce qui est des causes, certains facteurs génétiques et neuro-anatomiques
sont retrouvés. Les études neuroradiologiques montrent une anomalie du cortex frontal neurobiologique. Il s’agit d’une anomalie dans les neurotransmetteurs qui témoignent d’un dysfonctionnement, notamment la dopamine. Certains facteurs environnementaux sont aussi retrouvés : fréquences périnataux, tabac et alcool durant la grossesse, séparations fréquentes…
Pour finir, je dirai que ce trouble est très fréquent et ses retentissements sont lourds. Mais aujourd’hui, il existe des interventions médicamenteuses et non médicamenteuses pour aider ces enfants ».
Compte rendu par B.C.