« kruos therapeuein », le froid thérapeutique
L’exposition de la peau à un froid extrême peut occasionner des brûlures mais si utilisé à bon escient, le résultat est tout autre et c’est cet usage raisonné du froid qui est à l’origine de la naissance de la cryothérapie.
« Bien que l’utilisation de la cryothérapie ait vu le jour du temps d’Hippocrate, il a fallu attendre plus de 20 siècles plus tard, vers les années 70s, pour que les scientifiques s’intéressent au traitement par le froid suite aux résultats des premières études scientifiques qui ont démontré la réelle efficacité de cette technique » rapporte Dr Inès Rania Zaraa Chekili, professeur agrégé au service de dermatologie de l’hôpital La Rabta.
Pour définir la cryothérapie
« La cryothérapie désigne une méthode thérapeutique qui utilise le froid sous différentes formes : glace, sachets congelés, azote liquide, neige carbonique mais aussi sous forme de gaz tel le cryoflurane.
Dans le domaine médical, la cryothérapie ou « thérapie par le froid », se définit comme l’utilisation du froid dans un but thérapeutique et plus communément l’azote liquide à des fins variables, destructrices ou non. La réfrigération d’un tissu conduit au changement de son état physique et, selon les conditions d’application du froid, à sa préservation ou à sa destruction.
Comment agit le froid thérapeutique ?
« En général, on utilise le froid pour soulager rapidement les douleurs et faire régresser les gonflements, les œdèmes ou les hématomes.
En Dermatologie, la cryothérapie est utilisée afin de traiter certaines lésions en les brûlant. La destruction cellulaire est l’effet le plus recherché. La destruction tissulaire (altération de la cellule) s’obtient par une congélation très rapide (microcristallisation de l’eau intra-cellulaire), suivie d’un réchauffement lent durant lequel, l’action destructrice (recristallisation de l’eau en excès) va se prolonger.
Les cellules cutanées sont diversement sensibles au froid. Les mélanocytes (cellules de la pigmentation) sont les cellules les plus cryosensibles. Les kératinocytes (principales cellules de la peau) sont détruites aux environs de -30 °C, les cellules tumorales entre -30 °C et -50 °C. Cette destruction est néanmoins sélective avec la préservation des protéines fibreuses (fibres de collagène, cartilage, structures nerveuses), conditionnant ainsi la qualité de la réparation.
Le produit cryogène le plus utilisé en dermatologie est l’azote liquide, qui permet d’atteindre une température de -25 °C à -50 °C en 30 secondes. C’est le plus réfrigérant.
Quels sont les différents domaines d’application et les indications de la cryothérapie ?
Les indications de la cryothérapie s’étendent de jour en jour. Elle peut être employée dans différents domaines médicaux ou chirurgicaux: dermatologie, réanimation médicale, chirurgie urologique, thoracique, …
Dans le domaine des compétitions sportives de haut niveau, la cryothérapie a également une place privilégiée. Dans le milieu sportif, elle favorise la récupération après l’effort. Elle est utilisée pour calmer les douleurs (entorses, tendinites, claquages musculaires) et traiter le relâchement musculaire.
Les principales indications de la cryothérapie en dermatologie sont la destruction des tumeurs bénignes épithéliales (kératoses séborrhéiques, kératoses actiniques, hamartomes verruqueux, Adénomes et hyperplasies sébacées), vasculaires (botryomycomes, angiomes séniles, angiokératomes, lymphangiomes), fibreuses (histiocytofibromes), les pseudo-tumeurs infectieuses (verrues, papillomes verruqueux, condylomes), certaines cicatrices chéloïdes, la maladie de kaposi peu étendue. Certaines parasitoses (leishmanioses, larva migrans) peuvent bénéficier de l’aide de la cryothérapie.
C’est un traitement rapide, simple et les résultats cosmétiques sont de bonne qualité.
Comment ça se passe ?
Les séances de cryothérapie se déroulent en ambulatoire. Il n’y a pas d’anesthésie locale. L’azote liquide, peut être appliqué de 2 manières: à l’aide d’un coton-tige trempé dans l’azote contenu dans une cupule en inox. Le temps de contact est de dix secondes à deux reprises. L’azote peut aussi être propulsé directement à l’aide d’un cryo-spray qui est un container pressurisé équipé de gicleurs de tailles différentes adaptées à la surface de la lésion à traiter. Le temps d’application est d’une vingtaine de secondes.
Pendant l’application, le patient ressent une légère douleur et quelques minutes après, pendant la phase de décongélation, cette douleur laissera la place à une sensation de brûlure brève.
En général et pour que les lésions disparaissent, il faut recommencer l’opération plusieurs fois.
Les contre-indications et les effets indésirables de la cryothérapie?
« Après la séance de cryothérapie, la peau se comporte localement comme une brûlure, avec une rougeur, un œdème et un gonflement. Il peut même survenir une cloque contenant du liquide avec plus ou moins de sang. Une croûte survient et tombe au bout de quelques jours ».
Certaines contre-indications sont à connaître : mauvaise circulation au siège de la lésion, mélanome, naevus, risque élevé d’hypopigmentation résiduelle, urticaire au froid, maladie de Raynaud, cryoglobulinémie, myélome multiple, endroit à risque de complications tels les replis nasaux, les lésions prétibiales, les marges des paupières…
Bien qu’elle soit une technique simple et efficace, la cryothérapie n’est tout de même pas exempte d’effets indésirables ni de complications. Certaines sont précoces: douleurs, syncope vasovagale, œdème local, bulle hémorragique ou non, infection. D’autres sont plus tardives: hypopigmentation, hyperpigmentation, cicatrice chéloïde, perte de pilosité, granulome pyogénique, lésion nerveuse (habituellement temporaire), rupture tendineuse (exceptionnelle).
Quelle surveillance après le geste ?
« La surveillance est de rigueur car il est impératif de s’assurer du bon déroulement du processus de cicatrisation et d’évaluer l’efficacité du traitement afin de recommencer une nouvelle séance si besoin est ».
En conclusion
« Un bon diagnostic et une connaissance des indications et contre-indications de la cryothérapie sont des éléments essentiels pour éviter les complications. Une lésion dont on ne connaît pas la nature exacte ne sera traitée par cryothérapie qu’après la pratique d’une biopsie cutanée qui permettra de poser le bon diagnostic ».
E.K.L

Dr Inès Rania Zaraa Chekili
Professeur agrégé au service de dermatologie de l’hôpital La Rabta