Le contrôle des dispositifs médicaux, des dermo-cosmétiques et des compléments alimentaires : une activité à renforcer et une législation à développer
L’ouverture de La Tunisie sur le marché mondial, plus particulièrement dans le domaine de la santé, a fait que le pays pullule de plus en plus de produits de santé tels que les dispositifs médicaux, les compléments alimentaires et les produits dermo-cosmétiques, dont les importateurs en font l’élogen en vantant leur excellente qualité et leurs bienfaits. Face à cette abondance, le consommateur est perdu dans le choix du meilleur produit et a besoin d’être rassuré.
Qu’en est-il donc réellement de la qualité de ces produits importés ou locauxet du contrôle effectué lors de leurs mises sur le marché tunisien ?
Dr Ben Ayed Ellouze Henda, pharmacienne Inspectrice et responsable de la sous direction de contrôle des dispositifs médicaux, des dermo-cosmétiques et des compléments alimentaires au Laboratoire National de Contrôle des Médicaments (LNCM), a bien voulu nous fournir plus de détails à ce sujet.
Quelles sont les différentes étapes d’admission de ces produits depuis leur arrivée en Tunisiejusqu’à leur mise sur le marché ?
« Tout commence quand l’importateur de la marchandise dépose son dossier à la Direction de la Pharmacie et du Médicament (DPM), laquelle va lui livrer une autorisation provisoire d’enlèvement pour qu’il puisse se procurer des échantillons de ces produits de la douane. Il va également recevoir une fiche de liaison de la part de la DPM selon laquelle il s’engage à livrer une quantité d’échantillon représentatifs de toute sa marchandise afin de réaliser un contrôle lot par lot au niveau du LNCM. Le reste des produits est laissé en quarantaine dans ses locaux.
Au niveau du LNCM, plusieurs documents sont exigibles pour l’acceptation de ces produits tels que par exemple pour les dispositifs médicaux (DM), le certificat de stérilité, le certificat de vente libre dans le pays d’origine. Ces produits doivent aussi impérativement être marqués CE (communauté européenne).
La première étape de contrôle de ces DM est l’analyse de la stérilité, effectuée conformément à la pharmacopée européenne, s’ensuit le test de pyrogénicité : la recherche des endotoxines (sont les déchets de bactéries des bacillus qui sont les parois polysacharidiques : c’est le test LAL , la propreté de l’échantillon :l’échantillon doit être exempte de particules de salissures ou de n’importe quelle corps étranger dans son emballage fermé et intact la fabrication des dispositifs médicaux stérile doit être réaliser dans des zones a atmosphère contrôlé classé en (ISO 8 et ISO 7) . En plus de ces tests, on procède à la vérification de l’étiquetage, des symboles, des dates de péremption et de la stérilisation de l’article, de la mention d’usage unique ou non, de l’adresse du fabricant et de celle du représentant européen s’il y en a et de l’étanchéité de l’emballage.
Je rappelle que les dispositifs médicaux sont classés en 4 classes : classe 1, classe 2a, classe 2b et classe 3.
La Classe 1 représente des dispositifs qui ne sont pas invasifs et/ou le risque d’utilisation est minime, les classes 2a et 2b sont invasifs mais à court séjour, et la classe 3 comprend les implants cardiaques et orthopédiques et qui sont des dispositifs à haut risque vu qu’ils vont séjourner à l’intérieur du corps humain.
Chaque dispositif médical a sa propre norme spécifique, la directive (93/42/CEE) ainsi que son amendement la directive (2007/47/CEE) nous offre l’approche générale de qualité se sont des normes horizontales (l’étiquetage, les symboles, le management qualité) maisil y a des normes ISO et EN ce sont des normes verticales spécifiques pour chaque dispositif médical, qui nous permet de r
éaliser les essais techniques spécifiques pour chaque dispositif médical. Par exemple pour les sondes, on vérifie le lissage de la paroi de la sonde, pour les lames de bistouri on s’assure de l’absence de traces de corrosion pour les fils de suture la résistance au sertissage la résistance à la rupture la détection des effilochages des fils. Et tous ces essais pour s’assurer de la qualité des dispositifs médicaux et garantir la sécurité lors de l’utilisation.
Pour le contrôle des dermo-cosmétiques, on exige les documents relatifs à la composition qualitative et quantitative du produit, le certificat de vente libre dans le pays d’origine, les attestations de la non contamination par la TSE (encéphalopathies spongiformes transmissibles), relativeà la maladie de la vache folle. Si le produit contient du collagène, ce dernier ne doit pas être d’origine bovine et ou porcine
Les essais sont pratiqués selon la réglementation européenne, la directive européenne (76/768/CEE) relative aux produits cosmétiques, en vérifiant la composition qualitative et quantitative et la quantité exacte du conservateur ainsi que le dosage des parabènes, des antifongiques, des antibiotiques et des substances vénéneuses
Un profil toxicologique est également établi dans le cas de produits importés pour la première fois.
Pour les produits destinés aux bébés et les anticernes utilisés par les femmes, on réalise des tests d’irritation cutanée, vu la fragilité des peaux des bébés et la sensibilité de la zone sous-oculaire.
On vérifie enfin si le produit est conforme par rapport à son étiquetage afin de transmettre une information loyale à l’utilisateur.
Venant aux compléments alimentaires, le contrôle de ces derniers s’effectue également suivant la réglementation européenne vu que 90% de ces produits nous parviennent de l’Europe. On vérifie ainsi la composition qualitative et quantitative, le certificat de vente libre, le certificat d’origine des échantillons représentatifs de chaque lot qui rentre dans le territoire tunisien, on demande aussi le certificat d’analyse de libération, on réalise un dosage des vitamines surtout les vitamines qui sont soumises à des restrictions pour établir la limite entre complément alimentaire et médicament ».
Est-ce que vous arrivez à tout contrôler ?
« Il ya une quantité énorme de dossiers de demandes d’AMC qui parviennent au LNMC. De 2013 à 2014, on est passés de 14000 dossiers à 27000 dossiers.
Au jour d’aujourd’hui, soit mi-mai 2015, on est à 17.097 dossiers et l’année n’est pas encore terminée, donc avec un nombre aussi élevé cela s’avère en effet difficile à réaliser.
Quant au délai de réponse, celui-ci si ne dépasse pas une semaine s’il s’agit seulement d’un avis technique, mais s’il est question d’analyse, cela prendra plus de temps, disons une moyenne de 2 mois, vu que le test de stérilité des DM, à lui seul, nécessite plus de 14 jours ».
Êtes-vous sollicités par certains pays qui n’ont pas de structure de contrôle comme le LNCM ?
« Dans le temps, on contrôlait pratiquement tous les produits qui demandaient une AMC en Libye. Mais actuellement et vu la situation de ce pays, on ne le fait plus».
En cas de non-conformité constaté lors du contrôle, quelles sont les mesures conséquentes ?
« Si le produit est conforme, on va émettre un bulletin d’analyse et l’envoyer à la DPM. S’il y a une non-conformité au niveau de la documentation, on peut faire une demande de recours suite à laqu
elle le fabricant pourra compléter la documentation manquante.
Si la non-conformité trouvée concerne la qualité du produit, on note sur le bulletin d’analyse une non-conformité irrévocable. Une décision sera émise par la DPM et le fournisseur tunisien va normalement refouler la marchandise ou la détruire devant un huissier de justice.
la DPM va bloquer le système à ce fournisseur et aucune autre autorisation d’enlèvement d’importation ultérieure ne lui sera accordée tant que la première importation ne sera pas clôturée.
Donc, il sera tenu de présenter à la DPM une lettre de la direction de la douane prouvant le refoulement ou la destruction de la marchandise.
En cas d’accident de matério-vigilance, les incidents pouvant survenir lors de l’utilisation du dispositif médical, le produit reste en quarantaine dans l’hôpital, un inspecteur va prélever des échantillons et les faire retourner au LNCM. On vérifie si le produit a été soumis ou pas aux essais adéquats, lesquels seront refaits suite à la réclamation et ce quelque soit le résultat ».
Qu’en est-il de la loi concernant les produits fabriqués localement?
« Les produits locaux sont fabriqués dans le cadre d’une licence d’exploitation et d’ouverture d’une industrie pharmaceutiqueet c’est le pharmacien responsable, en engageant son diplôme, qui sera le seul responsable et garant de la qualité des produits et de leurs de mises sur le marché tunisien.
Mais compte tenu du nombre élevé de non conformité constatée et des réclamations faites au sujet de certains fabricants locaux, une circulaire de la DPM est entrain de voir le jour pour imposer le passage des quatre premiers lots pilotes au niveau du LNCM afin devalider leur fabrication.
Une fois le produit est sur le marché, des inspections périodiques du site de fabrication continuent et en cas de réclamations, ces produits passent (de nouveau) au niveau du LNCM pour contrôle.
En l’absence d’une loi tunisienne claire et précise pour les dispositifs médicaux fabriqués localement, le contrôle est fait en référence à la réglementation européenne, la directive européennes 93-42, l’amendement 2007-47 et aussi les normes ISO et EN ».
Pour les dermo-cosmétiques, par contre, il y a quelques normes tunisiennes exemple la NT-17-01 et NT-17-02 pour tout ce qui concerne les irritations cutanées. Ce sont des normes enregistrées et non homologuées
En ce qui concerne les compléments alimentaires, un décret et des arrêtés d’application concernant la nutri-vigilance sont actuellement en cours de rédaction par lal’ANCSEP (Agence Nationale de Contrôle Sanitaire et Environnemental des Produits) en collaboration avec LNCM, DPM,DIP, le Ministère de Commerce et le Ministère de l’Industrie.
Le contrôle se fait- il uniquement au sein du LNCM ?
« En effet, le contrôle est effectué uniquement au sein du LNCM. Toutefois, il ya quelques contrôles qui se font au laboratoire d’analyse et d’essais en France, pour tous les produits qui peuvent contenir de la nitrosamine, une substance dangereuse utilisée dans certains articles de puériculture tels que les sucetteset les tétines en caoutchouc ».
Considérez vous qu’il existe des insuffisances dans le contrôle des dispositifs médicaux, produits dermo-cosmétiques et compléments alimentaires ?
« C’est sûr qu’il y a toujours des insuffisances, dire que tout est impeccable relève du monde parfait. Je n’ajouterai rien de nouveau en disant que les déficiences se voient surtout au niveau du personnel, des moyens et de l’équipement et même de l’aménagement des locaux. Mais on n’a pas le droit de s’arrêter sous aucun prétexte, c’est notre travail et en dépit de toutes les difficultés, notre équipe assuredu mieux qu’elle peut pour garantir des services et des prestations de qualité ».
B.H.S
Dr Ben Ayed Ellouze Henda,
pharmacienne Inspectrice et responsable de la sous
direction de contrôle des dispositifs médicaux,
des dermo-cosmétiques et des compléments alimentaires
au Laboratoire National de Contrôle des Médicaments (LNCM)