La DPM : le pouvoir réglementaire du médicament

dpm-sante-tunisieEn Tunisie, le médicament et la pharmacie sont gérés par un organisme du ministère de la santé, appelée la DPM (Direction de la Pharmacie et du Médicament). Créée en 1981, la DPM s’est vue accorder en 1998 par l’OMS, le statut de Centre Collaborateur en matière d’enregistrement des médicaments et de réglementation pharmaceutique. Des activités, missions et responsabilités relatives à la gestion du médicament en Tunisie, Pr Nadia Fenina, Directrice Générale de la DPM, s’est exprimée pour santé tn.

« Les médicaments commercialisés en Tunisie sont soit importés soit fabriqués localement. On estime qu’en chiffres d’affaires, la part du marché médicamenteux local est de 47% contre 53% pour les médicamentes importés dont le monopole et unique gestion revient à la Pharmacie Centrale de Tunis (PCT).

Pour pouvoir importer des produits médicamenteux, il faut impérativement disposer d’une autorisation de mise sur le marché (AMM), cette autorisation est également indispensable pour les produits fabriqués localement. Dans certains cas et à titre exceptionnel, il est possible d’importer, sur dérogation du ministère, des médicaments n’ayant pas d’AMM en Tunisie, on parle alors de commandes fermes, aussi bien dans le secteur public que privé. C’est le cas particulier des traitements spécifiques tels que les anticancéreux, les thérapeutiques de certaines maladies neurologiques, des maladies rares et orphelines.

En quoi consistent les différentes étapes qui régissent la fabrication du médicament En Tunisie ?

Pr Fenina : « Dans un premier temps quand on parle de projet d’industrie pharmaceutique, c’est le ministère de l’industrie qui est impliqué pour cette phase et non pas la DPM. Ceci permettra, entre autres, à l’industriel de bénéficier de certains avantages, privilèges et facilités.

Une fois le projet terminé, l’industriel est tenu de présenter un dossier pour l’obtention d’une licence d’exploitation, soit une autorisation pour pouvoir fabriquer les médicaments. Ce dossier englobe la présentation des locaux, équipements et même du personnel. Ce dossier sera, par la suite, transmis de la DPM à la Direction de l’Inspection Pharmaceutique dont le rôle est de vérifier le respect des bonnes pratiques de fabrication (PBF). En troisième lieu, ce rapport sera présenté devant une commission des licences pour évaluer la conformité aux exigences des BPF.

Une fois la licence d’exploitation octroyée, l’industriel pharmaceutique peut fabriquer des lots pour un dépôt d’un dossier d’AMM. La demande est étudiée  devant une commission spécialisée. Cette dernière représente un passage obligatoire pour les produits princeps ou pour une spécialité qui n’a jamais été commercialisée en Tunisie. Après obtention du bulletin d’analyse du laboratoire national du contrôle des médicaments, le tout est présenté devant un comité technique présidé par le ministre de la santé ou son représentant, un avis est transmis au ministre, suite à quoi et si les conditions sont remplies, une AMM est accordée. Une fois le prix du médicament est homologué par le ministère du commerce, le produit peut être commercialisé.

S’il s’agit d’une commercialisation dans le secteur privé, le fabricant peut commercialiser directement à travers les grossistes et si c’est le secteur public (les hôpitaux), c’est par l’intermédiaire de la PCT car elle a le monopole aussi bien dans l’importation que pour la vente dans le secteur public ».

Quelles sont les différents types d’autorisations délivrés par la DPM ?

« Les types d’autorisation qu’on attribue sont, à ce jour,  l’AMM pour les médicaments et l’AMC (autorisation de mise à la consommation) pour les compléments alimentaires et les dispositifs médicaux. Aussi bien l’AMM que l’AMC sont délivrées à la DPM. On octroie également les licences d’exploitation et les AMMs ponctuelles (commande ferme) ».

Comment sont régis les produits « tableau » ?

« Bon à rappeler que le tableau A regroupe les produits toxiques, le tableau C les produits dangereux et le tableau B est celui des stupéfiants. Pour le cas particulier des stupéfiants et s’il s’agit d’importation de produit fini ou de matière première de ces produits, le bureau national de stupéfiants (au sein de la DPM) doit impérativement être muni d’une autorisation internationale qui tarde à être délivrée (de 4 à 6 mois), Il faut savoir également que la PCT ne peut les importer sans autorisation préalable du bureau national des stupéfiants.

En ce qui concerne les produits des tableaux A et C, la loi est certes plus souple mais on reste toujours dans une réglementation stricte de la dispensation de ces médicaments. Ainsi, ces thérapeutiques ne sont vendues que sur ordonnance tout en laissant une traçabilité sur l’ordonnancier, en vérifiant l’identité du patient et en respectant les règles du renouvellement ».

Que faire en cas d’un médicament qui pose problème ?

« Dans ce cas, le laboratoire titulaire de l’AMM est le premier organisme qui doit nous alerter, sinon et en cas d’absence d’information, la firme pharmaceutique peut être sanctionnée. Conjo
intement, le Centre National de Pharmacovigilance (CNPV) assure le suivi, la surveillance et le diagnostic de toute éventuelle conséquence auprès des citoyens. En cas de besoin, on fait appel à un comité Ad-hoc (commission d’experts instituée ponctuellement) où différentes propositions peuvent prises allant de la suspension du médicament au maintien de ce dernier sur le marché en passant par le retrait progressif des lots, le temps que l’alternative soit mise en place. Si la suspension doit être imminente et sans délais, on peut être amenés à lancer l’alerte dans les médias audio-visuels et écrits pour minimiser les éventuels risques.

Pr Fenina a conclu en insistant sur l’importance de l’éducation du patient quant au mésusage des médicaments et l’automédication, particulièrement pour les antibiotiques auxquels s’ajoute, parfois, les dérives de la sur-prescription.

Elle avait également mis l’accent sur l’importance de ne se fier, en tout ce qui concerne les informations sur les médicaments, qu’à l’administration de la DPM, qui par le biais d’un contact simple et facile avec les experts et les laboratoires, est la seule garante de la fiabilité, de la précision et de la transparence ».

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Pr Nadia Fenina,Directrice Générale de la Direction de la Pharmacie et du Médicament

Propos recueillis par E.K.L