L’ATPRI & NI en Tunisie : mission et perspectives
Il aura fallu quelques tonnes de Pechblende pour extraire moins d’un gramme de radium et c’est d’ailleurs la découverte du radium et du polonium, quelques centaines de fois plus rayonnants que l’uranium, qui aura fait de Pierre et Marie Curie les Prix Nobel de Physique en 1903. Néanmoins, la manipulation de tels éléments radioactifs sans protection ne pouvait être dénuée de risques. En effet, Marie Curie est décédée d’une leucémie radio-induite en 1934.
Pour parler radioprotection, on a donné la parole au Pr Azza Hammou, présidente de l’Association Tunisienne de Protection contre les Rayonnements Ionisants et Non Ionisants (ATPRI & NI) et Directrice du Centre National de RadioProtection (CNRP).
« la radioprotection définit toutes les mesures d’ordre médical, scientifique et technique qui ont pour objectif de protéger l’homme qu’il soit travailleur, patient ou membre du public, des effets négatifs, néfastes, délétères et secondaires de l’utilisation des radiations ionisantes (RI). Les effets secondaires des RI sont de deux types : les effets déterministes dose-dépendants et dus à la mort cellulaire tels que la radiodermite, la stérilité et la cataracte et les effets stochastiques dus aux modifications de l’ADN cellulaire des cellules somatiques par les RI ce qui favorisera le développement de cancers ».
L’histoire de la radioprotection en Tunisie et dans le monde
« Dans le monde, la découverte de tels effets secondaires a entraîné la création d’une association internationale appelée « la Commission Internationale de RadioProtection ». Cette association ayant pour mission de développer des recommandations qui serviront de repère à la mise en place de réglementation en matière de radioprotection.
« En Tunisie, la radioprotection est connue depuis les années 80s. C’est une discipline qui était sous le contrôle du département de l’hygiène au Ministère de la Santé Publique. Les médecins préventeurs se chargeaient de la dosimétrie.
Le père de la radioprotection en Tunisie est Pr Hassan Gharbi, il est radiologue et c’est lui-même qui a mis en place les premiers piliers de la radioprotection en Tunisie. Avec les médecins nucléaristes, les radiothérapeutes sont ceux qui utilisent le plus les rayonnements ionisants. D’ailleurs, c’est Pr Sadok M’timet, chef du premier service de médecine nucléaire à l’ISA (Institut Salah Azaiez) qui a été le premier directeur du CNRP dont j’ai pris la direction en 2004 ».
La radioprotection, c’est pour qui ?
« Trois secteurs sont intéressés par la RP, il y a les malades qui sont directement exposés, les travailleurs qui manipulent les machines et qui sont indirectement exposés et il y a le public. Le CNRP s’adresse uniquement au secteur médical et c’est pour communiquer la culture de la sûreté au sein d’un public plus large qui dépasse les frontières des établissements sanitaires qu’une association, telles l’ATPRINI a vu le jour en juillet 2003.
Aux côtés du CNRP, notre association vient compléter le travail des institutions publiques dans la diffusion de la culture de la sûreté nucléaire et radiologique ».
Pourquoi insister sur la diffusion de cette culture de sûreté radiologique ?
« C’est le droit du public, du travailleur et du patient. Le droit de savoir ce qu’on encourt comme risques, chacun de son côté, et d’encourager les gens à se protéger. Ce droit de savoir doit être communiqué par des spécialistes pour garantir la fiabilité, la crédibilité et la juste réalité de l’information prodiguée. Notre rôle est de faire savoir qu’une réglementation existe et les gens ont le droit de connaître comment user de cette réglementation.
Plusieurs sont les domaines où les RI sont inévitables, voire irremplaçables comme la radiologie interventionnelle, radiothérapie, médecine nucléaire…il faut juste respecter les règles, les normes et les précautions d’utilisation pour réduire à minima les risques et les effets secondaires.
Dans l’industrie également, les sources radioactives sont utilisées dans ce qu’on appelle le contrôle de qualité. C’est là aussi que notre association intervient pour informer les travailleurs sur le risque de surexposition encouru à travers des journées de sensibilisation et d’information ».
L’activité de l’ATPRI & NI
« Depuis sa création qui remonte à juillet 2013, l’association a été très active. On a organisé deux congrès dans lesquels plusieurs thèmes avaient été abordés et beaucoup d’intervenants y avaient été conviés (médecins, industriels, chercheurs…). On fait aussi participer d’autres
associations et organismes comme l’ISST ((institut de sante sécurité au travail), l’ANCSEP (agence nationale de contrôle sanitaire et environnemental des produits). On intervient également en tant qu’association de radioprotection dans les manifestations scientifiques d’autres sociétés savantes (société tunisienne de radiologie, société des techniciens supérieurs de radiologie, société tunisienne de cardiologie et de chirurgie cardio-vasculaire, société tunisienne de gynécologie obstétrique).
Nous avons participé dernièrement à l’organisation du congrès IRPA Afrique (International Radiation protection Association) qui a eu lieu à Rabat en septembre 2014. L’IRPA est une association internationale de RP qui fédère toutes les associations des pays dans le monde. C’est lors du 4ème congrès IRPA Afrique que la Tunisie est devenue membre de l’IRPA représentée par l’ATPRI & NI. Nous avons eu l’honneur d’être sélectionné pour abriter le 5ème congrès IRPA Afrique en 2018.
Etre membre de l’IRPA favorisera l’entraide scientifique entre les pays membres et l’accès aux dernières recommandations internationales relatives à la RP. Des conférenciers experts de l’IRPA peuvent être invités pour nos manifestations scientifiques. Ces conférenciers font partie des grandes institutions qui s’occupent des RI (AIEA, CIPR, UNSCAR : United Nation Scientific Comitte of Atomic radiation). Ils conduisent des études scientifiques, recueillent des statistiques sur les RI et collaborent à la réglementation ».
Les perspectives et les objectifs de l’ATPRI & NI ?
« La participation en tant qu’association de radioprotection à toutes les manifestations liées à notre spécialité en plus de l’organisation annuelle d’une journée à thèmes font partie des objectifs de l’ATPRINI. On prépare aussi l’organisation de L’IRPA Afrique en 2018 qui dure une semaine et qui englobe la participation de tous les pays africains. Par ailleurs, on a une activité soutenue de net-working avec les africains et avec les pays du golfe.
Notre association s’adresse à tous ceux qui ont un rapport avec l’utilisation des RI. La demande importante du public (plus d’une centaine de membres qui s’inscrivent chaque année) était ce qui nous a le plus motivés et encouragés. Avec les accidents nucléaires de plus en plus fréquents et les utilisations médicales de plus en plus complexes et irradiantes, les gens sont donc devenus curieux et se sentent de plus en plus impliqués en radioprotection. Les obligations, devenues plus contraignantes, imposent une institution plus forte, une autorité et des réglementations plus fermes ».
Dr Hajer Kammoun, assistante hospitalo-universitaire en médecine de travail et vice-présidente de l’ATPRI & NI a, de son côté, ajouté que « les objectifs de l’association c’est surtout de promouvoir la sensibilisation des utilisateurs des RI et aussi le public vis-à-vis des effets de ces rayonnements et de les tenir informés sur les moyens utilisés pour les éviter.
Pourquoi le nom « ATPRI & NI » ?, c’est pour préciser le fait que l’association couvre le champ des rayonnements ionisants et non ionisants, ces derniers étant utilisés de façon courante et font partie de notre quotidien, on citera notamment les rayonnements émanant des téléphones portables, des antennes relais, des Wi-Fi…
A ce jour, il n’y a pas d’organisme pour s’occuper des RNI et couvrir ce vide à côté de l’ANCSEP, c’est ce qu’essaie de combler notre association. D’ailleurs, pour nos prochaines journées scientifiques, prévues pour le mois de juin, on prévoit de réserver une journée sur la thématique des rayonnements non ionisants avec la présence d’un expert de l’IRPA.
Notre association souhaite aussi impliquer les jeunes pour les sensibiliser aux effets des rayonnements et sur la façon de s’en protéger dans un langage facile et basique. Nous projetons d’organiser des sessions thématiques sur la radioprotection dans quelques lycées en collaboration avec l’IRSN qui a déjà une grande expérience dans ce domaine.
Notre association dispose d’une page Face Book à travers laquelle laquelle il est possible de nous joindre en attendant le site web de l’association. Nous projetons aussi de faire une session qui s’appelle « communication avec le public » pour faire passer les messages correctement.
C’est le travail avec nos collaborateurs dont la FMT (faculté de médecine de Tunis), l’ISST (institut de sante sécurité au travail), la STMN (société tunisienne de médecine nucléaire), le CNSTN (centre national des sciences et technologies nucléaires), la STMT (société tunisienne de médecine du travail), l’ANCSEP, la STCCCV (société tunisienne de cardiologie et de chirurgie cardiovasculaire) et la STR, qui nous permet de mener à bon port nos activités, en espérant élargir notre champ d’action et nos coopérateurs dans l’avenir ».
E.K.L