Une spécialiste le confirme : Les troubles du langage, une maladie à prendre au sérieux
Après avoir évoqué, dans un précédent article le rôle de l’orthophoniste dans le traitement de certains troubles du langage, nous abordons, la même question aux niveaux de l’intervention du médecin spécialiste, des causes, des soins et de la prise en charge ainsi que des éventuels moyens de prévention existants.
Afin de mieux cerner les diverses facettes de cette pathologie, car c’en est bien une nous nous sommes adressés au Docteur Fatma Charfi, assistante hospitalo-universitaire, spécialiste en pédopsychiatrie qui a eu l’amabilité de répondre aux principales questions touchant à cette « maladie » tout en essayant de tenir un langage simplifié à la portée de tous. Interview…
Pour commencer, peut-on avoir un aperçu sur ce qu’on appelle : « troubles du langage » ?
Les troubles du langage sont un ensemble assez hétérogène de troubles, certains sont d’une extrême banalité, d’autres au contraire, doivent faire l’objet d’une investigation et d’une prise en charge précoce comme certains retards de langage.
Pour comprendre ces troubles, il faut déjà faire la part entre les troubles du langage spécifiques, isolés chez des enfants, par ailleurs normaux, qui ne souffrent d’aucun autre problème psychologique et dont le développement s’est déroulé normalement. Parmi ces troubles, on peut distinguer le trouble de l’articulation, le retard de parole, le retard simple de langage et le bégaiement qui sont les principaux troubles du langage oral, et la dyslexie –dysorthographie qui est un trouble du langage écrit qu’on rencontre chez l’enfant de plus de 7 ans.
A coté des troubles du langage spécifiques, on peut rencontrer chez l’enfant un retard plus ou moins important dans l’acquisition des premiers mots et des premières phrases ou même une absence totale de ces acquisitions au-delà de l’âge de 2-3ans, et en examinant bien ces enfants, on retrouve d’autres anomalies dans leur développement affectif et psychomoteur. Dans ces cas, le trouble du langage s’inscrit dans le cadre d’un trouble plus global tel un retard du développement ou un autisme infantile même si la seule inquiétude des parents concerne uniquement le langage de leur enfant.
Enfin pour terminer, il existe un trouble plus rare qui affecte sévèrement le langage de l’enfant, la dysphasie, et qui est une forme grave de retard de langage.
Qui peut être atteint de ces troubles et quelles en sont les causes ?
Pour comprendre les causes des troubles du langage, on doit rappeler que l’acquisition du langage de l’enfant est soumise à certaines conditions anatomo-physiologiques, affectives et environnementales. Elle suppose le bon fonctionnement d’un certains nombre d’organes qui jouent un rôle essentiel dans le décodage et la réalisation du langage, essentiellement l’appareil auditif et les centres du langage qui se trouvent dans le cerveau. Une surdité même partielle portant sur les fréquences conversationnelles peut retarder l’acquisition du langage, on constate ces mêmes conséquences en cas de lésions cérébrales qu’elles soient congénitales ou acquises.
Par ailleurs, l’environnement, le rôle du milieu familial, de sa qualité affective et linguistique, influent également sur le développement du langage de l’enfant. On comprend ainsi les effets négatifs des carences affectives, et du manque de stimulation de l’enfant sur son langage.
Enfin, le développement du langage et des capacités de communication de l’enfant avec son entourage, qu’elles soient verbales ou non verbales sont également étroitement liés au développement de sa personnalité. Ainsi, lorsq
ue ce développement est altéré, comme c’est le cas dans les troubles envahissant du développement, l’enfant présente des troubles importants dans la communication, la socialisation et le langage. L’autisme infantile étant le trouble le plus sévère et le plus précoce parmi les troubles envahissant du développement.
Quand faut-il s’adresser à un médecin spécialiste ? Quelle est la spécialité habilitée à traiter ce genre de cas ?
Devant un retard d’acquisition du langage, à savoir la non acquisition des premiers mots après l’âge de 18 mois ou des phrases après l’âge de 3ans, il faut tout d’abord s’adresser à un médecin ORL pour éliminer une surdité. Il convient, par la suite, d’évaluer le bon développement de l’enfant par un pédopsychiatre ou un neurologue. Si le diagnostic d’un autisme infantile ou d’un autre trouble envahissant du développement est porté, un suivi par un pédopsychiatre s’impose.
Par ailleurs, l’enfant peut souffrir d’un trouble de l’élocution, comme le bégaiement, qui est très gênant pour le sujet surtout dans les situations sociales, il s’agit alors d’un trouble psychologique qui relève d’un abord psychothérapeutique.
En revanche, le traitement des autres troubles spécifiques du langage oral ou écrit (retard de parole, retard simple de langage, dyslexie-dysorthographie) repose essentiellement sur la rééducation orthophonique. Un suivi en pédopsychiatrie pourrait être envisagé dans ces cas pour déceler et traiter les conséquences psychologiques éventuelles des ces troubles et pour faire une guidance parentale.
Y a-t-il des moyens de préventions ?
Pour prévenir certains troubles du langage, il est important d’apporte un environnement affectif et langagier à l’enfant dès sa naissance, car dès les premiers mois de vie, le bébé développe ce qu’on appelle le pré langage qui précède la phase linguistique. Les échanges langagiers avec les bébés sont importants. J’insiste sur cet aspect car on observe de plus en plus dans nos consultations les effets négatifs de l’exposition prolongée à la télévision sur le développement du langage du jeune enfant. Et le simple fait d’arrêter cette exposition massive, a permis dans la majorité des cas une amélioration spectaculaire. Par ailleurs, en ce qui concerne les autres troubles, un dépistage précoce est nécessaire pour améliorer leur évolution et le pronostic de la maladie en cause, et en particulier le dépistage précoce des troubles autistiques.
En ce qui concerne les autres troubles, une meilleure connaissance des dyslexies dysorthographies particulièrement, tant par les parents que par les enseignants, pourrait certainement améliorer l’avenir de nombreux dyslexiques qui, malheureusement encore aujourd’hui, souffrent d’une mauvaise intégration dans les écoles.
Propos recueillis par
Mehdi B.H
Docteur Fatma Charfi, assistante hospitalo-universitaire,
spécialiste en pédopsychiatrie