Les accidents de travail en Tunisie : qu’en disent les chiffres ?
Pour présenter les statistiques d’un travail, on utilise habituellement les illustrations à type de tableaux, d’histogrammes et de camemberts, mais on a préféré s’en passer pour donner la parole à Mr Rafik Dakhli, directeur adjoint responsable de la Direction de la Prévention des Risques Professionnels à la CNAM afin de nous livrer le recensement des accidents de travail pour l’année 2013.
« En 2013 et avec un total de 1 408 000 employés, 46049 accidents de travail avaient été déclarés. Ce chiffre, bien qu’encore élevé, enregistre tout de même une baisse de 6,37% par rapport à 2012 pendant laquelle il a été question de déclarer 49 000 accidents professionnels. La grande majorité de ces incidents (94,5%) se passent sur les lieux du travail alors que les 5,5% restants sont des accidents de trajet.
Bien mieux que les valeurs absolues, on préfère utiliser l’indice de fréquence (IF) qui représente le nombre d’incidents pour 1000 employés. En suivant ce barème, on a enregistré une baisse de 10% de cet indice qui est passé de 26 incidents pour 1000 employés en 2012 à 23 l’année dernière.
Le nombre total de jours d’arrêt de travail est également un paramètre d’évaluation de la gravité des accidents dont les retombées sur la productivité peuvent être néfastes. Ainsi, il a été déclaré 987 000 jours d’arrêt de travail en 2013, ce chiffre était de 1 153 000 jours en 2012, soit une baisse de 14% mais cette baisse s’apprête à la modification vu que beaucoup d’incidents sont encore en cours d’étude.
En Tunisie, le gouvernorat de Sfax qui, bien qu’il y ait été enregistré une baisse de 10% des accidents de travail en 2013, reste leader en la matière suivi par le gouvernorat de Ben Arous puis celui de Tunis. En termes d’indice de fréquence, la région de Gabès est classée en premier avec 49 incidents/1000 employés s’en suit Sfax avec 42,7 incidents/1000 employés. Ces chiffres ont enregistré une nette réduction de près de 15% par rapport à 2012.
Pour ce qui est de la fréquence des accidents de travail selon les secteurs d’activité, l’industrie lourde (caoutchouc, chimie, métallurgie) représente 33% de l’ensemble des incidents professionnels, 24% pour l’industrie du textile agroalimentaire et mobilier viennent ensuite les carrières et le secteur de l’agriculture et la pêche marine. Une chose importante à mentionner est la diminution spectaculaire de la fréquence des accidents de travail dans le bâtiment, une fréquence qui est passée de 18% en 1995 à 9,9% en 2013, soit une baisse de près de 50% en 18 ans avec un IF qui a suivi en basculant de 54 accidents/1000 employés à 29/1000.
Il faut savoir que la gravité des accidents est estimée essentiellement selon le nombre de jours d’arrêt de travail. Dans ce contexte, le bâtiment garde toute sa virulence avec 42 jours d’arrêt de travail pour une moyenne nationale de 32 jours. S’en suit le secteur de l’industrie lourde puis celui des transports.
Si on veut classer les accidents professionnels en fonction de la cause, les accidents de collision viennent en premier (24,6%), après ce sont les chutes de personnes, aussi bien d’une dénivellation que la propre hauteur (18,89%), ensuite on rapporte la chute d’objets, les éboulements de terrain et les écroulements de bâtiment, puis les efforts extraordinaires et les faux mouvements considérés comme des accidents et non des maladies professionnelles (17%) comme le croient bon nombre de praticiens.
Les mains et les doigts sont les organes les plus fréquemment atteints (17%) surtout dans le secteur du textile, le dos (11,22%), la tête (6,5%) et les yeux (5,6%).
On recense près de 3000 accidents graves par an. Un accident est dit grave s’il entraîne une incapacité permanente (IP). En 2011, on a dénombré 20% d’IP dans le secteur du bâtiment, 17% d’IP pour l’agriculture et le secteur du commerce et 15% d’IP dans le secteur industriel.
Pour le cas des accidents de trajet, il a été enregistré 26% d’IP dans le bâtiment et 17% d’IP dans l’industrie.
En ce qui concerne les accidents mortels, Mer Dakhli a précisé qu’ « on est passé de 316 en 2002 à 211 en 2012 et à 176 en 2013. Sur le lieu du travail (71%) et 29% sur le trajet.
Vu le danger, les conditions difficiles et le niveau intellectuel bas des ouvriers, le bâtiment est encore en tête de liste avec 40 accidents mortels et est suivi de près par la pêche marine avec le risque de noyade. Les chutes (27%), la noyade (17,6%) et l’électrocution (12,8%) représentent les principales causes d’accidents professionnels fatals ».
Les maladies professionnelles déclarées
Les troubles musculo-squelettiques (TMS) sont actuellement très tendance et représentent 67% de l’ensemble des maladies professionnelles déclarées. Ensuite, il y a la surdité professionnelle, les maladies respiratoires, les dermatoses, l’intoxication au plomb et l’hépatite.
Les maladies professionnelles causant une incapacité sont au nombre de 300 par an avec 1 million de jours d’arrêt de travail annuellement.  
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Quant à la question relative à l’effort fourni par la caisse pour réduire ces incidents, Mer Dakhli a dit que « notre but est d’atteindre un chiffre quasi nul, ça peut sembler irréel mais on a l’intime conviction que les accidents de travail dont sont victime les employés sont, pour la majorité, évitables. Les chiffres parlent d’eux même, rien qu’à voir l’amélioration spectaculaire dans les statistiques relatives au secteur du bâtiment. S’il y a amélioration, c’est qu’il y a du travail derrière.
Les entreprises, notamment celles qui déclarent un nombre important d’accidents, bénéficient ds mesures de prévention dont des prêts allant jusqu’à 300 000 dinars, un délai de remboursement de 10 ans avec une période de grâce de 3 ans et un bénéfice de 4-5%. Pour les petites entreprises et vu le manque de moyens, on leur réserve des prêts de l’ordre de 5000 dinars avec la possibilité d’avoir 2500 dinars de don. On leur permet d’acquérir les moyens de protection nécessaires relatifs à chaque secteur.
On conduit des actions ponctuelles et des journées de formation pour les employés dans certaines entreprises. On distribue des dépliants explicatifs et on fait des séances de démonstration pour le personnel. Près de 2000 visites diagnostiques sont réalisées annuellement par nos ingénieurs pour assister les entreprises et contrôler l’état des lieux et les conditions du travail. Tout est mis à disposition pour minimiser les risques.
On a même mis au point le « Bonus Mallus ». Ainsi, en cas d’application correcte et rigoureuse des mesures préventives des accidents de travail et amélioration des statistiques, la CNAM leur permet de baisser leurs cotisations de près de 25%. Une astuce qui s’apprête à donner de bons résultats puisque, jusqu’à juin 2014, 45 sociétés avaient bénéficié de ce bonus et une baisse conséquente variant de 10 à 25% ».
Entretien conduit par E.K.L