Le bacille de Koch dans tous ses états

Robert Koch BeWLa tuberculose est une maladie assez bien connue vu son côté épidémique qui l’a rendue célèbre, mais l’agent qui en est responsable l’est moins bien malgré les conséquences désastreuses sur la santé dont il est responsable. Pour faire simple sur le plan bactériologique, Dr Leila Slim, chef de service de bactériologie à l’hôpital Abderrahmene Mami, nous a donné l’essentiel de ce qu’il faut savoir sur cette mycobactérie tant redouté.

Santé tn : Quels sont les micro-organismes responsables de la tuberculose ?

Le principal agent de la tuberculose est Mycobacterium tuberculosis appelé communément bacille de Koch ou BK. Plus rarement, d’autres mycobactéries peuvent être responsables de tuberculose, c’est le cas du Mycobacterium bovis, agent de la tuberculose bovine ou encore du Mycobacterium africanum, retrouvé plutôt en Afrique noire.

 

 

 

Santé tn : Quelles sont les caractéristiques du bacille de Koch ?

C’est une bactérie qui se transmet d’homme à homme par voie aérienne. La contamination se fait par inhalation des bacilles à partir de gouttelettes de pflügge (goutelettes liquides expulsées de la bouche) et secrétions respiratoires émises par une personne malade.

La contagion dépend du nombre de bacilles émis et de leur capacité à rester en suspension dans l’air.

Les personnes souffrant de tuberculose pulmonaire et dont les frottis d’expectoration sont positifs à la microscopie sont les plus contagieuses. Il est donc important de détecter ces personnes dites « bacillifères» et de les traiter rapidement pour éviter la transmission de la tuberculose.

Le bacille de la tuberculose possède des propriétés particulières comparativement à la majorité des bactéries impliquées en clinique humaine. Il est difficile à rechercher par les techniques de coloration classique utilisées habituellement dans les laboratoires de bactériologie, nécessitant ainsi le recours à une coloration spécifique : la coloration de Ziehl Neelsen. Cette technique permet de mettre en évidence le caractère d’acido-alcoolo-résistance de la bactérie, principale propriété des mycobactéries. Ce caractère est lié à la richesse en lipide de la paroi de ces bactéries et leur permet de résister aux acides, aux bases, à de nombreux antiseptiques et antibiotiques ainsi qu’aux enzymes lysosomiales des macrophages de l’organisme infecté.

Une 2ème propriété de cette mycobactérie est sa multiplication lente, le temps de division d’un bacille tuberculeux est de 18 heures alors que la majorité des bactéries se divise en 20 à 30 mn. Ceci fait que pour avoir une culture positive, il est nécessaire d’attendre 2 à 3 semaines au moins.

Ces bactéries ne se cultivent pas sur les milieux gélosés habituels, leur culture nécessite des milieux spécifiques comme le milieu de Lowenstein Jensen. C’est dire que leur recherche ne se fait qu’en cas de suspicion de la maladie, en routine ils ne sont pas inclus dans les investigations bactériologiques classiques.

Santé tn : Quels sont les prélèvements qui permettent de faire le diagnostic ?

Dans la tuberculose pulmonaire, le diagnostic se fait sur l’analyse des crachats. Les prélèvements sont recueillis le matin à jeun deux jours de suite, après un effort de toux afin de recueillir les crachats profonds. Les échantillons salivaires sont à éviter car ils peuvent entrainer des résultats faussement négatifs.

Dans les formes extra- pulmonaires les prélèvements peuvent être, selon la localisation, des ponctions lombaires, pleurales, péritonéales ou péricardiques, des biopsies ganglionnaires ou des pus d’abcès fermés.

Santé tn : Comment se fait le diagnostic ?

L’examen microscopique des frottis de crachat après coloration de Ziehl est l’étape clé du diagnostic de la tuberculose. Il permet de caractériser rapidement (60 mn) et à moindre coût les formes de tuberculoses pulmonaires bacillifères les plus contagieuses. La présence de BAARs (Bacilles Acido-Alcoolo-Résistants) retrouvés par cette technique permet de mettre le patient sans aucun délai sous traitement et de prendre les mesures de prévention nécessaires afin d’éviter la transmission de la maladie. Cependant, cette microscopie n’est pas toujours sensible et reste peu contributive dans les formes extra-pulmonaires, chez l’enfant et chez les immunodéprimés (HIV+…).

Santé tn : Quelle est la place de la culture ?

La culture reste la technique de référence du diagnostic de la tuberculose. Elle permet de confirmer les cas à microscopie positive et de rattraper les formes à microscopie négative. Elle nécessite une étape préalable de traitement des échantillons avant l
eur mise en culture, qui consiste en une fluidification- décontamination permettant d’éliminer les germes commensaux naturellement présents dans ces prélèvements et qui se multipliant rapidement contaminent les milieux et masquent ainsi la présence de M.tuberculosis.

Cette culture peut se faire sur milieu de Lowenstein Jensen et dure en moyenne 28 jours ou sur milieux liquides en manuel ou en utilisant un automate et là les délais sont raccourcis à une dizaine de jours. Quel que soit la technique, des mesures de sécurité doivent être adoptées dans les laboratoires qui font ces analyses afin de protéger les manipulateurs et l’environnement.

Santé tn : Les tests de sensibilité aux antibiotiques sont-ils nécessaires?

L’antibiogramme ou test de sensibilité aux antibiotiques est utile quand on suspecte une résistance aux antituberculeux et encore plus une multi-résistance c’est à dire un BK résistant simultanément à la rifampicine et à l’isoniazide (les antituberculeux majeurs).

Les patients qui ne prennent pas régulièrement leur traitement, qui arrêtent leurs médicaments avant la fin, qui font des échecs de traitement ou qui rechutent après un traitement achevé sont susceptibles d’avoir des BK résistants. Dans ce cas, il est primordial de vérifier la sensibilité des BK isolés aux antituberculeux. La technique classique est basée sur la méthode des proportions sur milieu de Lowenstein et nécessite un mois supplémentaire après la positivité de la culture.           Seuls les laboratoires spécialisés sont aptes à réaliser ces antibiogrammes.

Santé tn : Quelles sont les alternatives diagnostiques ?

De nouveaux tests diagnostiques ont vu le jour ces dernières années pour pallier au manque de sensibilité de la microscopie et à la lenteur de la culture. Ainsi, certaines techniques moléculaires d’amplification génique permettent actuellement de porter le diagnostic de tuberculose en moins de 2 heures avec une très bonne sensibilité et spécificité. Elles permettent aussi de détecter simultanément la résistance à la rifampicine qui est généralement synonyme de multi-résistance. Ce diagnostic rapide permet une prise en charge rapide et efficace des cas de tuberculose multi-résistante évitant la diffusion de ces souches.

Docteur-Leila-Slim-chef-service-bacteriologie-hopital-Abderrahmene-Mami-Ariana-Tunisie

 

 

 

Docteur Leila Slim

Chef Service BactériologieHôpital Abderrahmene Mami Ariana- tunisie

 

 

 

 

Entretien fait par E.K.L