3 mots clés pour promouvoir le prélèvement et la greffe d’organes : Transparence, équité et mise en confiance
On ne peut parler de prélèvement et de transplantation d’organes en Tunisie, sans passer par le Centre National de Promotion et de Transplantation d’Organes (CNPTO) et prendre l’avis et l’évaluation de son directeur Dr Hafedh Mestiri qui a bien voulu nous recevoir et nous évoquer les différentes facettes de cette institution incontournable en la matière et de cette activité exaltante et complexe.
Sante-tn : Pouvez-vous, pour commencer, nous donner un aperçu de l’historique de l’activité de la greffe dans le pays ?
Dr Hafedh Mestiri : Le Centre national de transplantation et de prélèvement d’organes a été créé par décret en 1995 avec des missions bien déterminées, une création qui a suivi la pratique déjà existante en Tunisie.
En effet, la première greffe a été pour le rein et elle a été pratiquée, déjà, en 1984 alors que la loi la réglementant a vu le jour en 1991. Mais si l’on veut remonter un peu loin, on peut dire que la première greffe, en général, a eu lieu en 1947 avec celle de la cornée conformément à un décret beylical.
Quant à la loi de 1991 elle fixe les modalités pratiques allant de l’étape du prélèvement à celle de la greffe en en délimitant les aspects législatif, médical, scientifique et procédural.
Et en quoi consistent, alors, le rôle et les prérogatives du CNTPO ?
Comme je viens de le mentionner, le CNTPO est né en 1995, mais ses activités ont démarré, dans les faits, en 1998 avec peu de moyens et des équipes réduites avant de mieux s’organiser et de bien s’implanter.
Quant à son rôle, il est multiple dans la mesure où il consiste à rechercher les organes, en assurer la sécurité et l’équité dans l’attribution selon un ensemble de paramètres dont le plus important demeure la compatibilité entre le donneur et le receveur.
D’autre part, le Centre centralise les données qu’il veille à actualiser tous les six mois et collabore avec les différentes équipes qui sont au nombre de six pour la greffe rénale, deux pour celle hépatique (foie) et une pour la greffe du cœur.
La Tunisie est-elle bien outillée pour promouvoir l’activité de la greffe ?
Absolument. Je peux même dire que nous sommes en avance par rapport à plusieurs pays dont notamment ceux du voisinage, mais nous sommes en train de perdre nos acquis en la matière, d’où la nécessité de la mise au point d’un plan de réforme qui s’inscrirait dans le cadre de la réforme générale du système de la santé en Tunisie.
En attendant, nous avons pris les devants et procédé à la mise en place d’une unité de coordination hospitalière avec des équipes qui se déplacent sur les lieux des urgences et les services de réanimation.
Nous sommes en train de veiller à initier les réanimateurs – malheureuse
ment peu nombreux chez nous – et à les aider au diagnostic de la mort encéphalique, à réanimer les organes susceptibles d’être greffés et transplantables, à leur apprendre comment faire lors de l’approche des familles.
Et dans l’état actuel des choses, nous avons des unités en formation en matière de collecte et de prélèvement, réparties à travers les établissements hospitaliers. Plus précisément, il y en a deux à Charles Nicolle, deux à Sousse, une au Trauma Center de Ben Arous, une à Nabeul et une à Monastir.
Et je peux dire que cette action commence à porter ses fruits et donner des résultats positifs qui seraient encore meilleurs pour peu qu’on ait plus de moyens financiers pour prendre en charge les frais de transport et autres des membres de ces unités qui sont, en majorité, composés de personnel de sexe féminin.
Peut-on dire que vous êtes optimiste pour les perspectives et pour l’avenir de l’activité ?
Oui, je ne peux qu’être optimiste et dire que les perspectives sont prometteuses surtout s’il y a une prise de conscience généralisée quant à l’obligation d’améliorer les équipements, d’améliorer la communication et d’améliorer les conditions humaines et matérielles des intervenants dans ce secteur.
Si on ajoute à cela une plus grande transparence et une meilleure sensibilisation du personnel hospitalier chargé des greffes, cela ne peut que contribuer à l’établissement d’une confiance solide chez les donneurs potentiels et leurs familles. Le reste, à savoir, le prélèvement et la greffe vont automatiquement suivre, surtout qu’au niveau des compétences humaines, la Tunisie est très en avance. C’est une chaîne. Si l’un des maillons rompt, tout rompt.
Et où est le secteur privé dans cette activité ?
Je tiens à dire que dans l’absolu, une greffe coûte beaucoup moins cher dans le secteur privé, mais ce sont les considérations d’ordre étique en l’absence de possibilité de contrôle rigoureux qui y empêchent le développement d’une activité de greffe et de prélèvement d’organes.
Pour finir, pouvez-vous nous donner quelques chiffres et autres statistiques sur les listes des candidats receveurs et sur le taux de réussite des différents types de greffe ?
Pour le rein, la demande est de l’ordre de 9500 patients qui sont à l’étape d’hémodialyse, sachant que près 120 greffes rénales sont effectuées, en moyenne par an, en Tunisie alors que les candidats potentiels sont au nombre de quatre fois plus après avoir déduit ceux qui décèdent en cours et ceux qu’on n’arrive plus à toucher.
Entretien conduite par
Amna KHALFAOUI et Noureddine HLAOUI
Professeur Hafedh Mestiri
Directeur du Centre National de Promotion et de Transplantation d’Organes (CNPTO)